"Doit-on" vraiment poser la question ? Le guide de survie du téléspectateur face à l'interrogation journalistique

Dans le monde merveilleux du journalisme télévisuel, où chaque mot est pesé, chaque image est pensée, et chaque transition est orchestrée, une expression en particulier règne en maître incontesté : "doit-on" ou son cousin germain, "faut-il". On ne le remarque peut-être pas au début, mais une fois qu'on a l'oreille affûtée, il est partout ce "doit-on", à l'affût pour lancer n'importe quel sujet, du plus léger au plus grave." Doit-on interdire la raclette en été ?", lance la présentatrice, l'air grave, avant de nous proposer un reportage de 2 minutes sur une dame qui a osé servir ce plat d'hiver en plein mois de juillet. La question, bien sûr, est d'une pertinence capitale. La réponse, on la devine : non, on ne doit pas. Mais la simple possibilité qu'on puisse le faire a justifié un sujet. C'est ça la magie du "doit-on". Il transforme une banalité en un débat philosophique de haut vol. Son utilisation est si répandue qu'on pourrait presque en faire un guide d'analyse.

  • Le "Doit-on" factice : On pose la question, mais on a déjà la réponse. "Doit-on s'inquiéter de la hausse des prix de l'essence ?" Bien sûr que oui, sinon vous n'auriez pas fait le sujet !

  • Le "Doit-on" mystère : Il y a une once de suspens. "Doit-on travailler plus pour gagner plus ?" Le sujet va explorer les opinions divergentes, pour les contre les statistiques, pour finalement nous laisser avec une conclusion floue et un sentiment de vertige.

  • Le "Doit-on" de la vie quotidienne : L'éternelle interrogation sur nos habitudes. "Faut-il vraiment mettre son téléphone au micro-ondes pour le recharger plus vite ?" Non ! Et on sait tous que la personne qui a testé dans le reportage est un comédien qui s'est porté volontaire pour la science.

Et puis, il y a le summum, le "doit-on" qui se moque de la logique. "Doit-on se réjouir du retour du soleil ?" Non. On s'en réjouit point. C'est comme demander "Faut-il respirer ?" Le journaliste, lui, prend le temps de peser le pour et le contre, peut-être en imaginant que le soleil puisse brûler les vampires ou que certains préfèrent la pluie pour faire pousser leurs plantes.

Alors la prochaine fois que vous allumerez votre télévision, soyez prêts. L'expression "doit-on" ne manquera pas de surgir. Elle est la clé qui ouvre toutes les portes, le sésame qui justifie tous les reportages, le petit plus qui donne l'impression que la télévision n'est pas là pour vous informer, mais pour vous faire réfléchir... ou du moins, vous faire croire que vous réfléchissez. Faut-il s'en plaindre ? Non. Après tout, c'est un jeu amusant. Et la prochaine fois que quelqu'un vous demandera "Doit-on regarder ce reportage ?", vous pourrez répondre, avec un sourire en coin : "Ça dépend. Est-ce que le journaliste a posé la question ?"


Commentaires