Le Syndrome du "En Faite" : Quand Notre Langage Se Met sur Pilote Automatique.


"En faite, c'est clair, genre, c'était nickel, voila."
Si cette phrase résonne en vous, vous n'êtes pas seul. Partout, dans les conversations de tous les jours, dans les podcasts ou sur les réseaux sociaux, un lexique minimaliste et répétitif a pris le pouvoir. Des mots comme "en faite," "c'est clair," "genre," "nickel," ou encore "voilà" sont devenus des béquilles verbales, des ponctuations omniprésentes qui rythment nos échanges, souvent au détriment de la substance.
Mais pourquoi un tel appauvrissement du vocabulaire ? S'agit-il d'un simple tic de langage, d'une paresse intellectuelle, ou d'un phénomène plus profond ?
Ces mots, à l'origine porteurs de sens, ont perdu leur valeur sémantique. "En faite" n'introduit plus une correction ou une précision, il est devenu un démarreur de phrase, un prélude vide de sens. "C'est clair" n'est plus une affirmation d'évidence, mais un simple renfort, une manière de signifier que l'on a compris, ou que l'on veut que l'on nous comprenne. Quant à "voilà," il ne marque plus la fin d'une explication, mais se pose en point final à la fin de chaque énoncé.
Ce phénomène n'est pas anodin. Il témoigne d'une certaine urgence à communiquer, où la vitesse prime la précision. Nous cherchons à nous connecter rapidement, à nous fondre dans une conversation sans prendre le temps de choisir le mot juste. C'est une sorte de code social, un moyen de se sentir intégré en utilisant le même jargon que le groupe. L'usage de mots comme "boloss" ou "va s'y" s'inscrit dans cette logique, créant une identité de groupe tout en réduisant la complexité des interactions.
Mais cette uniformisation du langage a un coût. Elle appauvrit notre capacité à exprimer des nuances, des émotions complexes, des pensées précises. L'usage constant de ces tics verbaux masque une certaine difficulté à articuler des idées de manière claire et structurée. Le message devient flou, noyé dans un océan de mots vides de sens.
Bien sûr, il ne s'agit pas de condamner l'évolution de la langue. Le langage est un organisme vivant qui se transforme constamment. Cependant, il est important de prendre conscience de l'impact de ces habitudes sur notre manière de penser et de communiquer. Redonner de la place à la diversité des mots, c'est aussi se redonner la possibilité de penser de manière plus riche et plus nuancée. C'est un appel à l'attention, à la conscience de nos mots, pour que notre langage redevienne un reflet fidèle de notre pensée.

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