Avant et après le CAFI : l’histoire du camp du Moulin du Lot à Sainte-Livrade-sur-Lot


Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) – Bien avant d’accueillir les rapatriés d’Indochine, le site du futur CAFI – le Centre d’Accueil des Français d’Indochine – fut le théâtre d’une autre histoire. Celle d’un projet industriel et militaire, symbole des transformations du XXᵉ siècle.

Origines industrielles

Dans les années 1930, l’État français projette de construire une annexe de la Poudrerie nationale de Bergerac sur la rive droite du Lot. Pour loger les ouvriers et techniciens affectés à ce chantier, un ensemble de baraquements est bâti sur un terrain d’environ huit hectares, au lieu-dit Moulin du Lot.

Les travaux débutent à la veille de la Seconde Guerre mondiale, mais l’invasion allemande en 1940 interrompt définitivement le projet. Le camp, à moitié achevé, est alors réaffecté par l’armée.

Guerre et après-guerre : un site en transition

Pendant l’Occupation, le camp est utilisé tour à tour comme cantonnement militaire et centre de stockage. Après la Libération, il passe sous contrôle de l’armée française et accueille différents détachements, notamment de l’Armée de l’Air.

Ces installations, bien que rudimentaires, offrent des logements temporaires et une base logistique pratique. Le site conserve sa structure d’origine : des baraques alignées, des entrepôts et quelques bâtiments administratifs.

Vers 1956 : un tournant imminent

Au début des années 1950, le camp du Moulin du Lot est encore un espace militaire désaffecté. En 1956, l’État décide de le transformer en Centre d’Accueil pour les Français d’Indochine. C’est ainsi que le site entre dans une nouvelle page de son histoire : celle du CAFI, lieu de mémoire et d’exil pour des centaines de familles rapatriées du Vietnam.


L’arrivée des rapatriés d’Indochine et la vie au CAFI (1956 à nos jours)

En 1956, la France se prépare à accueillir des milliers de personnes déracinées : les Français rapatriés d’Indochine. Parmi eux, des familles métisses, anciens soldats, fonctionnaires, orphelins et veuves venus du Vietnam, du Laos et du Cambodge, après la fin de la guerre d’Indochine et les accords de Genève (1954).

Le site du camp du Moulin du Lot, alors désaffecté, est choisi pour sa capacité d’hébergement et son isolement. Il devient officiellement le Centre d’Accueil des Français d’Indochine, plus connu sous le nom de CAFI.

Un accueil provisoire devenu durable

À leur arrivée, les familles découvrent des baraquements vétustes datant de la Seconde Guerre mondiale. Les conditions de vie sont rudimentaires : pas d’eau courante dans les logements, chauffage au poêle, sanitaires communs.

Ce camp, prévu pour un accueil temporaire de quelques mois, deviendra pourtant pour beaucoup un lieu de vie durant plusieurs décennies. Dans les années 1960 et 1970, des générations d’enfants grandissent derrière les barbelés du CAFI, souvent éloignés du centre-ville. Malgré les difficultés, une communauté soudée se forme : écoles improvisées, jardins familiaux, ateliers, vie associative et fêtes culturelles maintiennent les liens avec les racines vietnamiennes.

Une mémoire franco-vietnamienne

Le CAFI devient un symbole de la mémoire coloniale française. Pour certains, il évoque la solidarité et la résilience ; pour d’autres, l’oubli et la marginalisation. Peu à peu, les habitants revendiquent la reconnaissance de leur histoire. À partir des années 1990, des associations locales et nationales se mobilisent pour préserver ce patrimoine humain et historique.

Des projets de rénovation voient le jour : réhabilitation partielle des logements, création d’un musée de la mémoire du CAFI, actions éducatives et culturelles pour transmettre cette histoire aux jeunes générations.

Le CAFI aujourd’hui

Aujourd’hui, le site du CAFI à Sainte-Livrade-sur-Lot n’est plus un camp, mais un quartier de vie et de mémoire. Certains anciens baraquements ont été restaurés ; d’autres ont laissé place à des logements modernes. Chaque année, des visites, expositions et commémorations rappellent le parcours de ces familles venues d’Indochine.



Texte rédigé par :
Le Petit Livradais – Histoire & Mémoire locale à Sainte-Livrade-sur-Lot

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